Asymétries

On entre dans l'espace d'Asymétries au travers d’un rideau noir dans une pièce idéalement assez vaste, où une caméra sur pied filme en plan large. Le regard d'un spectateur tiré au hasard, est projeté en gros plan. Le dispositif le suit ensuite inexorablement pendant un moment, puis cherche un autre regard. S'il n'en trouve aucun, l'image dézoome brutalement et c'est ce qui a été filmé auparavant qui défile à l'envers ; cependant dès qu'un curieux tente de regarder ce passé, ses yeux sont détectés et immédiatement projetés.

Des carrés transparents barrés de rouge sont mis à la disposition des spectateurs dans l’espace d’exposition pour qu’ils puissent, en se masquant, déjouer le système de détection de visages, mais, pour voir défiler leur passé, il faudra que tous agissent de conserve.

Étymologiquement, le mot regard vient de garde et il a conservé ce sens de ce qui protège/surveille et surtout qui ne lâche pas. Ici la machine ne serait que le relais automatisé de ce regard là, qui en devient sans égard aucun. L’œuvre doit son titre à plusieurs formes d’asymétries :

Asymétrie de pouvoir entre, d’une part, la machine qui capte tout et en analyse le moindre détail, et d’autre part, le simple fait de regarder.
Asymétrie d’échelle entre le regard et sa projection en grand format : ce qu’on a de plus personnel donné à voir à tous.
Asymétrie et instabilité latérales car le regard de celui qui est visé, pointe spontanément tour à tour vers un œil et puis vers l’autre, cette oscillation étant perçue avec un léger décalage.
Asymétrie de savoir, car chacun guette qui est sélectionné par la machine, souhaitant se voir ou au contraire le rejetant, et ne pouvant savoir si c’est bien lui que s’il se met à bouger.
Asymétrie de situation, puisqu’on ne peut voir ce que la machine enregistre que si l’on ne regarde pas directement, que si tous réussissent ensemble à se dissimuler, soit derrière un rideau, soit derrière un masque. Si personne n’est là, le passé défile sans personne pour le regarder.